Digression 2

Fonder la dignité sur la supériorité

En fondant la dignité sur la supériorité, on s’exposait à des méprises fâcheuses.

En la fondant sur la divinité, nous l'enfermons dans un piège où il faut l'abandonner dès que nous sortons de l'Église.

En effet, comment penser l'être humain comme digne parce qu'il participe à la divinité sans perdre la possibilité de trouver un autre fondement à cette dignité ?  Lier la présence de la dignité chez l'être humain à sa parenté avec l'être divin enferme cette dignité dans le divin.  Qui perd sa religion perd aussi, dans ce cas, le sens de la valeur de la vie humaine.  C'est alors qu'apparaît le mal de l'âme nommé « désenchantement ».  Il est vrai que cela est presque inévitable.

D'autre part, poser la supériorité au fondement de la dignité établit un rapport dangereux entre le droit et la capacité et nous ouvre, à la limite, à Auschwitz comme à l'esclavage.  Être digne, c'est être un objet de respect et, plus encore, de droit.  Être supérieur, c'est être plus doué, d'une façon ou d'une autre.  Qui pose la supériorité au fondement de la dignité sous-entend, qu'il s'en rende compte ou non, que la supériorité fonde le droit.  Ne serait-ce pas une telle association, entre le droit et la supériorité, qui est à l'oeuvre, non seulement lorsque quelqu'un cherche à prouver qu'une « race » peut être plus intelligente qu'une autre, mais aussi lorsque nous contestons intensément cette idée ?  Nous semblons alors présumer qu'une égalité de droit ne pourrait appartenir qu'à des citoyens entre lesquels il existerait une égalité d'aptitudes.  L'hypothèse est pernicieuse et on ferait bien de s'abstenir de lui fournir un tel appui implicite.  Ce sont les raisons qui peuvent motiver de telles recherches qu'il faut remettre en cause, et non pas leur bien-fondé comme tel.

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